L’âme habite dans le corps
Méthylène, auscultation onirique
Les dessins retracent différentes étapes d’un corps enfilant une chemise de nuit d’occasion.
L’auscultation se fait par la mémoire du tissu imprégné des multiples rêves qui l’ont antérieurement habité.
J’ai pour cela récolté les rêves de plusieurs personnes que j’ai réécrits tout en essayant de les restituer au plus proche de leur narration onirique.
Le vert de méthyle et le bleu de méthylène font référence à la fois à la couleur de la nuit et à l’univers médical pour lequel ces couleurs sont utilisées comme conducteurs des structures perméables du corps.
Série de 13 dessins (50 x 26 cm chacun) au vert de méthyle et au bleu de méthylène stabilisés – 2015
Vêtements écorchés, motifs organiques
Ces croquis vestimentaires ont été dessinés sur ordinateur à partir de planches d’écorchés vifsdu XIXe siècle et d’un atlas contemporain du corps humain. Muscles, organes et cellules sont des pelotes et des motifs que j’utilise pour « tricoter » mes tenues. Ces dessins sont plastifiés en planches de biologie
et accrochés sur des tableaux d’école.
Tissu musculaire / sysTème veineux / PaPille dermique / BulBe Pileux / cils viBraTiles / sueur / Glandes salivaires /Tissu Pulmonaire / Tissu céréBral / cellules PhoTosensiBles / muqueuse des TromPes de FalloPe / lanGue / muqueuse de l’esTomac / éPiderme du dessous des doiGTs / couches d’éPiderme /corPuscule de malPiGhi / sPermaToGenèse / os comPacT / muqueuse du nez / Tissu Tendineux
Série de 8 croquis numériques (65 x 50 cm chacun) – 2004
Mes patrons, people ready
C’est une image publicitaire vantant les mérites d’une entreprise people ready qui est à l’origine decette série. La notion de people ready se dit « des entreprises, des équipes, des logiciels qui sont prêts, efficaces, performants et immédiatement opérationnels. » C’est cette notion de disponibilité totale, qui suggère la même implication de la part d’un humain que d’une machine, que j’ai matérialisée par une foule de costumes people ready.
Chaque costume est créé à partir d’un patron de prêt-à-porter, réalisé avec des pages de magazines choisies pour faire écho à l’intitulé de chaque patron, par exemple : le patron s’intitulant Un ange blanc est réalisé avec un magazine de mariées, D’une seule pièce avec un magazine de bodybuilders, Smock Smock… avec des publicités pour des cigarettes, etc. Chaque intérieur de costume est peint tel un écorché, puis étiqueté comme une pièce de boucherie.
sur la rouTe / noir c’esT noir / un air de Folie / Gym Tonique / chic en ville / couPe carrée / doux Pilou / À l’aBordaGe / ulTracourT / chaud dedans / smock smock… / osez / sans Façon / Féminin masculin / vive la Pluie / GraPhique / cache-cœur / un anGe Blanc / inTimiTé / mode saFari / Très à l’aise / soPhisTiqué / PeTiT chamPion / olé / rouGe éclaTanT
Série composée d’une soixantaine de carcasses en papier – 2008
Éosine, des nœuds dans les cheveux…
Pour grandir, il faut souvent se cogner à l’espace pour le reconnaître.
Éosine est pour moi un joli mot. Elle est l’encre médicamenteuse liée à la liberté, celle de l’enfance.
Elle est la couleur de la fougue qui se cogne, faite de cris, de jeux et de mouvements insatiables.
Composition (90 x 120 cm) de 15 dessins à la plume et à l’encre éosine stabilisée encadrés (collage de pages provenant d’un cahier d’écolier datant de 1930), accompagnée d’une bande-son (enregistrement d’une cour de récréation) – 2012
Ma collection « C’est pour mieux te… »
Des collections d’insectes sous vitrine, des collections d’animaux empaillés, des collections de fœtus dans
du formol, des collections d’humains dans
les cimetières… des collections de morts figés, alignés, étiquetés. Un point final à la vie fixé par de petites épingles, gonflé de paille, flottant entre les parois, enseveli puis assourdi d’une pierre.
Au XXe siècle, un chasseur apparaît dans le conte du Petit Chaperon rouge. En ouvrant le ventre du loup, il sortit de ses entrailles l’enfant (indemne ?) …
Ma collection, en exposant le processus qui conduit de la naissance à l’immersion mortelle, propose une issue spirituelle. Chaque stade du processus est présenté dans un tube transparent, comme des poupées de collection. Chaque tube est étiqueté d’un texte, composé à partir de fragments de dialogues saisis sur un forum de discussion sur Internet. La requête permettant d’atteindre ce forum reprenait le titre d’origine du conte : « la petite robe rouge ».
L’Enfantement / le Désir / l’étouffement / la dévoration / l’engloutissement / la reconstruction
Ensemble de 6 tubes (100 x 35 cm chacun) contenant chacun une sculpture textile – 2009
Le corp habite dans le vêtement
Bâtis de corps,
de l’épaule
à la pointe du sein
à la taille au bas
de la jupe à terre
En couture, le bâti de corps est un modèle textile de notre propre corps, construit à partir de nos différentes mesures corporelles. Il est utilisé comme une base stable pour créer des vêtements au plus juste de
nos proportions. C’est cette notion de représentation personnelle d’un corps par le tissu qui m’a intéressée pour réaliser différents bâtis de mon corps.
Patron de toile, véritable moulage de votre buste, de vos hanches… Vous le garderez précieusement… suivant votre conformation… Exécutez ce patron sur un corps vivant… au ras du cou, autour de la taille… au milieu devant, au milieu dos… à la pointe de l’épaule… ligne de poitrine en passant par le point le plus saillant… ligne de l’omoplate… Coupez dans la toile… Mesurez à l’endroit le plus écarté… Tirez verticalement un fil… et horizontalement un fil à la hauteur de la carrure, de la taille et du bassin… Il se forme un peu d’embu sur l’omoplate si elle est saillante, il faut le soutenir… La ligne de sens doit rester strictement horizontale.
Sous le bras, plaquez bien la toile, sans laisser retomber le sens. Si la taille est cambrée, formez une petite pince… Sa profondeur dépend de la cambrure. Remontez la toile vers la poitrine… L’embu de la poitrine est maintenu (tous les fils de sens doivent être accordés)… Crantez l’encolure tout autour, afin qu’elle épouse bien la base du cou… Crantez la taille… Lorsque vous êtes certaine de sa perfection, toutes les coutures sont débâties… Vous avez le moulage de votre corps. Rangez soigneusement toutes les pièces, vous les utiliserez pour créer, copier, couper.
Le Laboureur (2,50 m), Mariées de France (1,70 m), Bâti de corps en cascade de Tendons (3 m), Bâti de corps à multiples membranes (2,60 m), Bâti de corps en lobes pulmonaires (1,70 m)
Claudine, la nuit…
Les papillons correspondent chacun à un cauchemar. Fabriqués à partir de cols Claudine et de couteaux de cuisine, ils visent à conjurer ma phobie des papillons de nuit.
Goutte de sant / Écaille Pudique / Bombyx buveur / Azuré de la famille / aurore de barbarie / Queue fourchue / Petit satyre des bois / Robert le diable / Grande harpie / Cuivré de la verge d’or / Le demi-deuil / demi-lune noire
Ensemble de 12 boîtes contenants des « papillons broches » votifs (36 x 26 cm chacune) – 2012
Radiographie des méduses
Ce procédé « radiographique » a été conçu dans l’idée de traverser des textiles intimes et des robes de cérémonies religieuses. Parures d’anges sans corps, les robes de communiante en disent long sur la façon dont l’église voyait le corps féminin. Portées par des jeunes filles en âge de devenir femme, elles se font ici méduses pélagiques, immorales et empoisonneuses par essence. N’en étant pas moins parures, elles masquaient le corps, ses formes et son sang.
La radiographie saisit un corps de méduse, fragile, complexe et flottant, secret, toxique et sexué.
Robes de communiante et dessous féminins glissés entre un plastique noir et du calque, fixés par un sous-verre – 2005
Robes de survie
Façonnées sur différents mannequins, ces robes sont des fragments d’histoires de corps. Elles sont conçues comme des volumes à motifs corporels. C’est le frottement quotidien du corps contre le tissu qui donne une mémoire au textile, comme une empreinte brodée. La broderie relie ainsi le corps au vêtement. Confronté à certaines situations, comme à des codes qui visent à le définir, l’être doit se prémunir, se protéger des éléments extérieurs, de ses blessures ;
et les vêtements doivent l’y aider.
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Essayez de garder votre bonne humeur, le moral a une importance primordiale.
Assurez-vous que le canot est convenablement gonflé. Vérifiez que le cône ancre est déployé, il évite la dérive. Veillez à ce que les charges à l’intérieur du canot soient bien réparties.
Prenez une tablette contre le mal de mer.
Si la température est basse, couvrez-vous autant que vous le pouvez, maintenez sec le fond du canot.
Si la température est chaude, tenez-vous à l’ombre, si possible humidifiez vos vêtements et couvrez-vous la tête.
Mettez si possible des lunettes noires.
EAU : commencez à boire dès que la soif se manifeste. Buvez 30 centilitres d’eau par jour.
Ne consommez pas plus de la moitié de la ration journalière à chaque distribution.
Les blessés doivent avoir, si possible, une ration plus forte. Utilisez de nuit les fusées et la lampe, mais seulement lorsque vous voyez ou entendez du secours.
Faites en sorte qu’il y ait toujours un homme de garde à tout moment du jour et de la nuit.
NE BUVEZ PAS D’EAU DE MER .
NE BUVEZ JAMAIS D’URINE.
Les sœurs qui habitaient le couvent des Clarisses jusqu’en 2008 étaient filles de sainte Claire et dépendantes de l’ordre franciscain. Vivant selon l’idéal évangélique de pauvreté, elles raccommodaient et réparaient tout menu les textiles et petits objets dans l’esprit de les faire durer. Bien que les lieux n’étaient plus habités depuis trois ans, les greniers et divers placards du couvent gardaient encore toutes les traces de leur vie quotidienne. On y trouvait aussi bien des draps pour défuntes, des bouts de ficelle, des sacs regorgeant de multiples textiles des années cinquante, soixante, des kilomètres de serpillières et même des petits boudins en tissu qui servaient à calfeutrer les bords de fenêtres en cas de pluie.
Toute une poésie de la pauvreté se dévoilait sur chaque étagère. La robe de survie Deviens ce que tu contemples était exposée dans l’une des anciennes cellules du couvent. C’est une robe de mariée, brodée de différents préceptes de sainte Claire : « Deviens ce que tu contemples », « L’amande se cache sous l’écorce des mots », « Le dépouillement rend léger ».
Brancard de ForTune
Robe brodée de textes extraits de La Vie familiale et ménagère, livre de sciences appliquées pour la classe de fin d’études des écoles de filles en 1949 – 2000
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| Surpiqûres le long de la jambe, taille élastiquée, col roulotté, impression poitrine « je suis comme je suis », poignets boutonnés, laçage cheville sous œillets, fentes côtés, couleur brute, pressions cousues à l’intérieur de chaque jambe, découpes cintrantes devant et dos, poche d’épaule, poitrineà rabats boutonnés, lien resserrant, finitions bord-côte manche, taille coulissée fermée par un bouton glissière intérieur gratté, poitrine ton sur ton, dos uni, col tailleur, carrure épaulée, taille souple cintrée pied-de-poule, bas volanté, liens à nouer, rayures sur corps, tour du cou rigide, décolleté goutte d’eau, base floquée, emmanchures américaines, col Mao, épaules dénudées… | Prendre 2 manches à balai ou 2 branches solides (si l’on est en forêt) de 1,80 m environ. étendre 2 vestons ou 2 manteaux sur le sol. Poser les branches sur les vestons, à 50 cm de distance ; boutonner les vestons et rabattre les manches par-dessus. Placer le brancard à 50 cm du blessé étendu. À deux, soulever ce dernier (l’un passe les bras sous les aisselles, l’autre sous les jarrets) et le poser sur le brancard. Avoir soin de couvrir le blessé. Prendre le brancard de manière que les pieds soient dans le sens de la marche. Le dernier porteur part du pied gauche ; le second part du pied droit pour éviter le balancement rythmé du brancard et du blessé. |
Robes pièges
Ces sculptures mouvantes et graphiques tissent leurs tentacules sur les murs, les sols et les plafonds. Les diverses découpes effectuées dans les tissus
me permettent de dessiner avec le textile dans l’espace en les fixant avec des fils.
Qu’elles se lovent comme un serpent ou se glissent comme un lasso, qu’elles se gonflent comme la toile de l’araignée aux prises avec le vent, ou inversement qu’elles invitent à la sensualité de leur velours noir ; elles expriment néanmoins leur toxicité.
À l’image de la vamp, telle une belle plante vénéneuse, chaque robe arbore une étiquette, accrochée par une chaîne, qui murmure un symptôme. Chaque symptôme est le résultat provoqué dans le corps humain par l’absorption massive d’une plante médicinale (généralement une plante toxique) : soin/dépendance/mort.
Installation composée d’une dizaine de robes découpées se déployant différemment suivant les lieux où elles sont exposées – 2007
Le vêtement habite dans l’histoire
Tentes nomades
Constituées de vêtements d’enfants, de tenues de pluie, de blouses de travail et d’uniformes, ces tentes s’intègrent toutes dans un projet global, celui de l’installation d’un village nomade. Le texte La Tente de Laure (page 66) est né d’une collaboration avec l’écrivain Frédéric Léal.
Tentes constituées d’une soixantaine de vêtements cousus les uns aux autres, assemblés comme un puzzle, suspendues par des cordes nouées aux boutonnières de chaque manche (3,50 x 4 m) – 2000-2001
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Le bustier de Sir Francis Drake – tu traces le pli, là
son blason ‘à moitié’ arraché – une blessure subie quelques instants plus tôt
par
les indigènes s’agitent sur le gaillard d’avant
tandis que son tailleur parcourt les rues de Victoria en quête de nouvelles étoffes sans se douter qu’à quarante miles de là un drame
vendu un demi-siècle plus tard (“l’authentique bustier de Francis Drake”) par un couturier-grand-collectionneur-persécuté-par-le-fisc
je n’ai pas d’autre solution que de m’en séparer pour une misère
trouvé un dimanche matin au marché de la place Saint-Michel pour cinquante balles vous me faites un prix ? Il est déchiré
soldé par le receleur d’un cambriolage même
pas enquis de la valeur des pièces
le con
– quels intermédiaires ont possédé (porté ?) l’illustre chemise,
“on ne le saura jamais” –
laissé quatre mois dans une voie de garage
décousu dans le sens de la hauteur
le dos ouvert par un instrument
il vous laisserait pantois
l’illustre marin déconfit, donc
[une paire de ciseaux en inox, le manche en plastique orange]
j’avais cru je n’aurai d’être transpercé par ce chose (avec l’accent de Jane Birkin)
posé en suivant sur la pile des victimes
branlante elle va bientôt se casser la gueule
les nouvelles du jour brrrrrzzzzz
sur France Inter l’animateur
les conséquences prévisibles du saturnisme, selon vous
quelles retombées pour le village… ?
≥ tout est lié et réciproquement
l’énième clope se consume dans le cendrier
attention agonise dans ces périodes troubles
tout comme ‘victimes’
sors-toi le chat
un scandale sans précédent
qu’elle reprend pour la reposer car
j’ai une idée
en défaisant encore un peu la couture sous la manche,
l’ajoutant par cette opération à la toile
(plus possible de l’étaler entière sur le sol de la chambre)
sous la forme d’un amas de tissu surplombant la table où est déposée
la machine à coudre
l’occasion de remettre sur le tapis
il faudrait un appart plus grand
déjà sept chemises cousues les unes aux autres
par une marque de tondeuses, tracteurs et outillage.
Coiffes traditionnelles
Phobique de l’autoroute, j’ai souvent privilégié
les nationales et les départementales à chacun
de mes voyages. De nombreuses haltes dans différents villages et bourgs étaient pour moi l’occasion de faire des photos de lieux poétiquement « désuets ».
Tous ces lieux fragiles et en perte d’identité m’ont
un jour parlé de nous, êtres humains…
Avant le xxe siècle, dans beaucoup de pays
et de provinces, c’est essentiellement par la coiffe que chaque terroir, voire chaque village se distinguait. Chaque femme mettait son empreinte propre
sur la façon de monter ou de porter sa coiffe.
Ces images, que j’ai longtemps mises de côté,
sont une façon de leur rendre hommage.
Installation composée de 16 autoportraits présentés sur des laizes de papier peint (2,50 x 6 m) – 2011
La Vie après la mort
En janvier 2012, j’ai pu explorer un collège de Reims abandonné depuis 2007. Ces années d’abandon portaient les stigmates visibles de deux types d’interventions : celles des vandales et celles des graffeurs. Le résultat en était spectaculaire. Les vandales s’étaient acharnés dans une violence de destruction telle qu’une majorité de cloisons avait été abattue, certaines pièces incendiées, et aucun meuble n’avait été épargné, jusqu’aux pieds de tables d’école tordus. Les graffeurs avaient en revanche profité de l’abandon des murs pour multiplier le graphisme et la couleur.
Pablo Picasso, tel était le nom de ce collège construit dans les années soixante-dix. Son architecture sans âme, reproduite en de multiples exemplaires dans toute la France, rendait bien peu hommage à ce grand artiste. Paradoxalement, la destruction, le chaos, les explosions de couleur après le passage des vandales et des graffeurs ont donné lieu à une gigantesque expérience visuelle qui m’est apparue alors proche de l’esprit de l’artiste.
À partir des photos du collège que j’ai réalisées, j’ai proposé aux personnes de mon entourage de poser pour moi en leur demandant de « se faire une tête
à la Pablo Picasso ».
Au bord du lit / maintenant / La vie après la mort / Le charnier / Le rêve / La joie de vivre / Le garçon bleu / La fin de la route / Le harem / Dans l’arène / Le fou (l’idiot) / Les fugitives / Au paravant / Masque de visage / Jeune fille devant une fenêtre ouverte
Installation variable composée de photographies et de blouses d’écolier brodées sur les manches de différents titres d’œuvres de Picasso, suspendues à des portemanteaux – 2016
Robes murées
C’est un trajet que j’effectuais régulièrement à Bordeaux qui m’a ici inspirée. Pendant trois ans, en traversant les rues du quartier Saint-Sernin, j’ai vu progressivement ses portes et ses fenêtres se murer et les habitants de cet îlot disparaître.
En septembre 2001, six rues de ce quartier étaient complètement condamnées par un bétonnage systématique des moindres ouvertures. Concentrées à la lisière du centre-ville, ces rues fantomatiques contrastaient brutalement avec l’animation des alentours. Voyant sa disparition programmée, j’ai alors commencé à réaliser de nombreuses photos.
Un paradoxe m’avait intriguée : la construction de multiples murs obstruants était comme le signe de la déconstruction. Cette masse urbaine, hermétique m’est apparue provocante dans sa fonction d’habitat encore présente par sa forme, et dans ces obturations qui reniaient par là même son intégrité. Cette manifestation de béton, ordonnant clairement l’interdiction d’entrer, traduisait en premier lieu une zone de « non-refuge ».
Projection de 32 diapositives du quartier Saint-Sernin à Bordeaux sur une robe blanche installée dans une boîte noire (170 x 70 cm) – 2001
Soyez le vide qui entoure le buisson…
La guerre a toujours évoqué pour moi un état de survie collective. En temps de guerre, la loi du prédateur est la même que celle de sa proie : devenir invisible dans un même but, ne pas se faire tuer.
Dans cette création, je mets en scène huit phrases extraites du code militaire de camouflage (F.F.O.M.E.C.B.L.O.T. *). Ces phrases incarnent de manière paradoxale une poétique angoissante et cruelle de cette survie.
Cette lutte, cet instinct de conservation étant intimement liés au paysage, j’ai créé pour chaque texte un paysage abstrait. Chacun mêle des photos d’un film de guerre et des photos de vêtements civils et militaires. J’ai volontairement pixelisé les films pour en extraire des images qui entrent en résonance avec les nouvelles technologies militaires d’appréhension du terrain.
* Fond Forme Ombre Mouvement éclat Couleur Bruit Lumière/Lueur Odeurs Traces
Série de 8 impressions numériques (50 x 67 cm) – 2013
Partir
J’ai créé cette installation après la visite d’une ferme abandonnée depuis près de vingt ans au Pont
des Aulnes, dans les Ardennes. Je la connaissais déjà d’après des photos noir et blanc datant des années cinquante ; elle y était pleine de vie, habitée par une famille nombreuse.
J’avais toujours en tête ces images « vivantes » quand je l’ai visitée, alors en plein processus d’effondrement. J’ai découvert par miracle,
dans son grenier, les traces de cette vie enfantine passée : sept paires de chaussures d’enfants usées et un trotteur.
Installation de dimensions variables composée d’un déambulateur, de 7 paires de chaussures d’enfant, d’aiguilles et de laine – 2006

































































































































































